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Cathédrale. Texte de Simon Capelle.

par René @, mardi 16 avril 2019, 12:37 (il y a 1834 jours) @ ve2 lom

Simon Capelle

C'est un mot, d'abord. Cathédrale. C'est du grec. Ancien. Cela veut dire le siège, et par proximité, le fondement. Mais aussi par extension, l'immobilité, l'inertie. Et on découvre que le verbe, il a existé, cathédrer, et qu'il veut dire présider. Hier soir, il devait y avoir une image enregistrée dans un bureau, jusqu'à maintenant non diffusée, et nous eûmes une image en direct devant de la pierre et des flammes.

Parce qu'on peut le dire comme cela. C'est de la pierre, c'est du bois, c'est du verre. C'est-à-dire que ce sont des choses inanimées, qui ne meurent pas, que l'on peut détruire certes, mais que l'on peut aussi reconstruire. En opposition à une vie par exemple.

On peut dire aussi que ce bois, il avait mille ans. Et c'est impossible de le comprendre vraiment. On parle d'une forêt entière, suspendue, entre le ciel et la nef, et ornée, paraît-il, de milliers de petits symboles laissés par les charpentiers. Et que cette pierre, elle a vu des millions de gens. Elle a vu Napoléon, Pétain, De Gaulle.

Et puis, il y a ce qui, de toute évidence, nous bouleverse tous. Que ce bois, cette pierre, ces vitraux, ils soient une matière, mais aussi une autre. Celle du livre de Victor Hugo, évidemment. Celle de la poésie, car on trouve Notre-Dame chez Nerval, chez Apollinaire, chez bien d'autres. Qu'ils soient aussi pour certains, c'était palpable hier, un esprit. Qu'un incendie d'un monument déclenche la prière, la communion, cela a quelque chose, au minimum, de fascinant. Que ce soit pour les Français, et pour une partie du monde, un symbole, c'est cela peut-être le plus vif. Le symbole du temps, de la résistance face au temps, de la culture. De la démesure humaine certainement. Celle que l'on retrouve sur l'Acropole à Athènes, au pied des pyramides de Gizeh, ou de Sainte-Sophie à Istanbul.

Et c'est peut-être ça la terreur aussi. Que le monde progressivement perde ce génie, ce sublime, pour aller vers l'anéantissement, le nihilisme, et qu'au fond, il n'y ait rien à faire, face au temps et face à la mort. C'est pour cela peut-être que de partout on crie qu'il faut reconstruire et reconstruire vite, pour effacer. Et puis c'est un autre symbole aussi. Celui de l'erreur, de la bêtise humaine, et de l'impuissance totale face au déchaînement des éléments comme le feu, contre lequel même l'eau est à la peine. Et de savoir qu'une forêt, cela peut partir en quelques heures. Mille ans en une nuit. Et que peut-être c'est ce monde-là qui se prépare, qui va se détruire. Car même la nature, le trésor de la nature, enfermée, protégée, au coeur d'une gigantesque ville, on ne parvient pas à la sauver.

Alors, aujourd'hui, les mots d'Artaud.
"On peut brûler la bibliothèque d'Alexandrie. Au-dessus et en dehors des papyrus, il y a des forces : on nous enlèvera pour quelque temps la faculté de retrouver ces forces, on ne supprimera pas leur énergie. Et il est bon que de trop grandes facilités disparaissent et que des formes tombent en oubli, et la culture sans espace ni temps et que détient notre capacité nerveuse reparaîtra avec une énergie accrue. Et il est juste que de temps en temps des cataclysmes se produisent qui nous incitent à en revenir à la nature, c'est-à-dire à retrouver la vie."

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" La première victime d'une guerre, c'est la vérité. "
* Rudyard Kipling 30 Déc 1865 au 18 Jan 1936.
** "La première victime de la guerre est la vérité"
** Carl Von Clausewitz 1er juin 1780 au 16 novembre 1831.

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